Edito
LA GUERRE AUX ALGOS EST DÉCLARÉE !
Si vous êtes des musiciens connectés et actifs sur les réseaux sociaux, les campagnes marketing agressives de Suno n’ont pas pu vous échapper. L’entreprise américaine spécialisée dans l’intelligence artificielle appliquée à la musique affiche clairement son funeste projet : infuser (l’air de rien) dans l’inconscient collectif des consommateurs de musique « casuals » qu’ils peuvent désormais générer leur propre musique, mais aussi leur donner l’illusion sournoise qu’ils peuvent eux-mêmes devenir des musiciens et des créateurs. On peut d’ailleurs commencer à lire ou à entendre ici et là : « Je compose avec Suno. » WTF ? Pire : des musiciens chevronnés, à l’image de la bassiste Mohini Dey ou du guitariste Max Ostro, sont recrutés afin de prendre part à cette propagande, apparaissant dans des shorts où ils se mettent en scène en train de composer et d’arranger un titre ou bien de jammer avec Suno. Car oui, cette IA générative a déjà évolué de façon quantique depuis son apparition en 2023, et la version 4.5 lancée juste avant l’été a franchement de quoi nous faire flipper, car non seulement elle peut créer à notre place morceaux, habillages sonores et autres backing tracks en quelques minutes, mais elle peut presque désormais jouer à notre place. De nouvelles fonctionnalités offrent en effet la possibilité à l’utilisateur de scander vocalement une mélodie, une ligne de basse ou un groove et de les faire jouer avec des sons produits et tout à fait crédibles, en ajustant leurs prompts aussi précisément que possible. Les résultats sont impressionnants et, si ces outils ne représentent pas encore un substitut suffisamment crédible pour nous mettre sur la touche, la perspective de cette réalité dans un avenir proche doit nous alerter. Une transformation profonde de l’industrie musicale dans les années à venir semble dans tous les cas inéluctable. Nos baguettes finiront-elles par faire battre des algorithmes ? Probablement en partie. Aurons-nous la sagesse de ne pas sacrifier nos âmes et d’utiliser cette nouvelle ressource à bon escient et dans le sens de la création ? Rien n’est moins sûr. Reste notre dernier bastion à défendre : la scène et le live. Là, la sueur et le coeur qui habitent chaque groove, fills et breaks feront toujours la différence, mais pour combien de temps ? À nous de défendre nos valeurs et de rester vigilants. Il en va de notre survie ! Nous vous souhaitons une excellente lecture.
La Rédac’
Numéro 229
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