Edito
SORTIR DU CHEMIN QUE L’ON A CREUSÉ
On évoque souvent dans ces pages des musiciens dont l’art suprême est de sublimer la musique de ceux qu’ils accompagnent. Des pointures de la trempe de Steve Gadd, Jim Keltner, Josh Freese, JR Robinson, pour ne citer qu’une poignée de géants outre-Atlantique, ou encore Raphaël Chassin, Denis Benarrosh et André Ceccarelli pour ce qui concerne les Frenchies. Mais dans ce monde vaste de la musique gravitent aussi des personnalités tellement uniques qu’elles se retrouvent parfois difficilement compatibles avec certains de leurs pairs. Des profils détenant une empreinte si forte qu’il leur est impossible de faire la moindre concession. Non pas par narcissisme ou manque d’ouverture, mais parce qu’ils se sont creusé un chemin si profond qu’il est difficile de s’en extraire. C’est le cas d’une artiste comme Cindy Blackman Santana. Révélée aux côtés de Lenny Kravitz il y a plus de 32 ans déjà, Cindy est, en réalité, habitée par une fièvre musicale très éloignée du rock de « Are You Gonna Go My Way ». Obsédée par la fougue et la créativité de Tony Williams et Jack DeJohnette, elle s’est forgé, au fil des années et de ses aventures en solo, une identité rythmique qui n’appartient qu’à elle. Interviewée dans les colonnes de notre rubrique « Mes batteurs et moi », Gail Ann Dorsey (bassiste de David Bowie, Tears For Fears, -M-) nous confiait récemment à quel point elle était retournée par le jeu de Cindy mais que, paradoxalement, à ses côtés sur scène avec Lenny Kravitz, elle n’était pas totalement à l’aise, car sa personnalité unique supplantait parfois le feeling exigé par le répertoire de Kravitz. Une déclaration remplie de bienveillance et d’admiration qui en dit long sur le personnage de Cindy Blackman Santana qui, à 65 ans, n’a pas fini de nous captiver.
Sébastien Benoits
Numéro 224
7,90€