Edito

UNE IMPRESSION DE DÉJÀ-VU

Le bouclage de ce numéro s’est ponctué EXACTEMENT comme le précédent avec la disparition de Roy Haynes. Le matin de l’envoi des fichiers chez l’imprimeur, la nouvelle est tombée : Zakir Hussain a quitté le monde des vivants. Légende de la musique traditionnelle indienne et virtuose incontesté du tabla, Zakir s’est éteint à 73 ans dans un hôpital de San Francisco des suites d’une maladie pulmonaire chronique. Fils du grand Ustad Alla Rakha qui a été son professeur, Zakir n’a pas 20 ans lorsqu’il s’installe aux États-Unis pour répandre la bonne parole du tabla. Quelques années plus tôt, l’amour de George Harrison pour le sitar et la culture indienne ouvre de nombreuses portes aux musiciens locaux qui expriment des désirs d’expatriation (Ravi Shankar en tête), et Zakir Hussain sort incontestablement du lot. La flamboyance de son jeu, sa technique de baya (main gauche) et son sens du timing le placent au-dessus de la mêlée. Sa rencontre avec John McLaughlin dans les années 70 le propulse au rang de légende vivante en Occident, et le groupe Shakti lui permet de populariser son instrument à travers la planète. Résultat, Zakir Hussain rend le tabla aussi célèbre que le sitar, et ses prestations live marquées par une présence scénique hors du commun enfoncent le clou. En 2013, Steve Smith — dont le parcours musical a été sérieusement ébranlé par sa rencontre avec Zakir — nous confiait : « Je considère cet homme comme le plus grand batteur / percussionniste vivant sur Terre. Sa conception du rythme est tellement évoluée... En plus d’être un excellent accompagnateur, c’est aussi un soliste exceptionnel, car la tradition du tabla est établie depuis des siècles en Inde alors que la batterie est une forme d’expression artistique relativement récente. » Venant d’un virtuose de la trempe de Steve, un tel commentaire vous permet de mesurer le degré de talent de monsieur Hussain. En attendant notre hommage dans un futur numéro, on vous laisse en compagnie d’autres légendes dans ce premier numéro de l’année 2025.
Bonne année à toutes et tous, prenez soin de vous.

Sébastien Benoits