Edito
Le dernier samouraï du rock ?
Durant pratiquement cinq décennies, la grande odyssée du rock’n’roll s’est écrite en lettres de sang, de sueur et de larmes, relatant les exploits réels ou extrapolés de ses combattants. A l’image des pilotes du Pacifique qui épinglaient comme des trophées les drapeaux des ennemis abattus sur les carlingues de leurs Corsairs, ces Dieux vivants collectionnaient les frasques décadentes et kafkaïennes, et leurs vies exaltantes et tumultueuses nous étaient distillées au compte goutte par les plumes des écrivains et des rock critics. Les fans buvaient leur prose comme du petit lait. Évidemment, si internet et Google avaient existé en 1971, il aurait suffi de quelques clics pour être au fait du quotidien de John Bonham ou de Keith Moon, ce qui aurait probablement tout démystifié. En 2017, les informations transitent à une telle célérité que le mystère et le fantasme ne permettent plus aux légendes de se forger, ni au public de rêver. Le rock n’en est pas sorti tout à fait indemne, mais il est passé lui aussi dans une nouvelle ère. Seul un visage nous permet encore d’entrevoir de ce qu’il a été : celui de Dave Grohl. Le charisme et l’enthousiasme du leader des Foo Fighters agit comme un bouclier contre cette dictature de la transparence, qu’il sait par ailleurs utiliser à son avantage, et outre la divine musique qu’il nous livre album après album, le secret de sa popularité tient au fait qu’il reste à nos yeux un personnage attachant et extraordinaire, à fois accessible et intouchable, le rockeur parfait que l’on rêverait d’avoir dans son groupe, mais que l’on va acclamer avec ferveur à Bercy, comme en juillet dernier. Nous ne sommes pas peu fiers d’avoir eu le privilège de pouvoir le rencontrer à Berlin avec son pote Taylor pour une interview qui restera gravée dans nos mémoires.
La Rédac’
Numéro 149
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